Histoire
du garage
"banville", par le Dr
Danche

Le garage banville (avec un b minuscule), situé
dans Paris, XVIIème arrondissement, a fait l'objet d'un livre,
que j'ai acheté et
lu avec attention.
Un peu décevant sous l'angle Citroën,
brouillon dans sa chronologie, il a le mérite d'exister
et évoque les hommes, les femmes et les moments clé de
la vie d'un tel établissement.

J'en ai retenu ceci:
la construction d'un garage très ambitieux
dans le quartier Pereire est décidée dans les années
20 par un groupe de jeunes gens, héros de l'aviation pendant
la guerre de 14, et dont certains étaient fortunés,
entre autres Gaston
François-Sigrand.
Le site retenu est localisé ici,
rue Pierre Demours, dans le prolongement de la rue Théodore
de Banville. Sans grand génie, l'endroit s'appellera "banville".
La construction du garage se lance en 1925 sous
le pilotage de l'ingénieur Henri Terrisse. Voici les débuts.
En ce 7 Décembre 1925, l'immeuble que l'on voit au fond est celui
du 78 rue Pierre Demours.

Pendant la construction (qui se fait en
plusieurs étapes), un événement
invraisemblable est organisé le 26 Février 1927:
une course de côte dans les
rampes du garage.
Vous allez reconnaître sur ces photos stupéfiantes
la perspective de la rue Théodore de Banville et l'immeuble d'angle
au 82 rue Pierre Demours.
De nos jours, les tours
de La Défense s'ajoutent au paysage, dans le lointain.

Quelques vues supplémentaires de cet événement
absolument inimaginable aujourd'hui.



Ici une vue du banville en 1929, après son ouverture
complète.

banville n'était pas qu'un
garage.
Il y avait un bar.
deux tennis.
un gymnase.

Un club de ping pong réputé.
Et encore d'autres: practice de golf sur le
toit, etc.
Pour les voitures, le banville proposait l'entretien
et le parcage pour 600 voitures.
Des box grillagés de différentes
tailles pouvaient être loués. Le livre que je mentionnais
ci-dessus laisse entendre que c'était là une fausse
bonne idée,
et que ces box à portes coulissantes furent une véritable plaie
pour le fonctionnement au quotidien.


Voici un schéma extrait de la brochure client.
"la voiture est dans son box comme le voyageur
est dans sa chambre!"
De mon point de vue ça ressemble plus à un zoo qu'à un hôtel.

et issu du même document, le schéma de principe
des rampes.

Estipallas m'a aussi fait passer ce ravissant
portfolio perforé illustrant la haute époque du "banville".





Voici maintenant ce qui figurait en publicité au
verso des factures du banville avant guerre, montrant entre autres
le practice de golf...

Après guerre, les factures sont plus
classiques mais gardent ces curieuses guillemets.

Au niveau des marques distribuées, Citroën est
présent dès le lancement, en 1928, mais Chrysler, Talbot, Delage,
Hotchkiss partagent la vedette. le banville propose aussi à la
vente des Itala, des bolides italiens élitistes.
Puis en 1931 le banville devient concessionnaire
exclusif Citroën.
Mais après la faillite de 34, le banville devient
aussi agent général Alfa Romeo: les voitures de sport arrivent
en pièces détachées d'italie, et se montent au banville.
Le banville redeviendra 100% Citroën après guerre.
Vers l'extérieur, une vue de la vitrine.


Jetez un oeil à la barrière en
fer forgé à l'étage, mêlant roues et engrenages.
En termes de déco
intérieure,
le banville proposait le nec plus ultra de la belle époque.


La période de la guerre est chahutée
pour le banville.
Le directeur du garage depuis 1928, le pilote
de course
Robert
Benoist, est un des chefs de la Résistance et
il meurt à Buchenwald.
Après guerre, le banville est à nouveau
uniquement Citroën,
et connait une période faste: la zone couverte pour Citroën
par le banville s'étend sur le XVIIème, Levallois et Clichy.

J'ai hélas très peu de photos ou documents des
années
60/70.


J'ai aussi une aimable commmunication du
Dr Estipallas, avec
1- cet
écusson (ou badge?) encore à l'état neuf.


2- ce fantastique témoignage citant les noms
des personnages clés du Banville à la sortie de la DS: Gaetan
Baille, Hubert de Bosredon, Adler, Ozenfant et nous parlant de
ce "hall de ventes style 1930" qu'on imagine rempli de DS, sans
hélas en avoir de photo!

Ce texte est issu de ce livre, et je cite Estipallas:
"je recommande la lecture de cet ouvrage, l’un des
plus beaux témoignages de l’intérieur sur
la vie de l’Usine."

On passe ici à une vue en 1970 issue du fameux quadrillage
de Paris par la Fnac.

Voici aussi la carte de garantie et l'écusson
d'une
DSpécial vue aux Citrodays

En bas de l'écusson, vous lisez, ou vous devinez: "Paris", "Tours".
En effet en 1975, banville se développe
et rachète
les Ets Pichard, à Tours, déjà présentés ici.

Mais sous la pression immobilière, le
garage de Paris fermera en 1991, et l'édifice sera rendu
méconnaissable
par des reprises successives très profondes pour le transformer
en immeuble de bureaux.
Tout le mobilier intérieur de cette
magnifique succursale Art Déco sera perdu.
Ici un intéressant photomontage fait par "Papyvoiture" sur
le forum
des Citroën C4.
Je signale qu'en 2024, tout a de nouveau été
entièrement repris, ce qui laisse un doute sur le bien
fondé
des travaux de 1991.

Mot de la fin: Bourville à Banvil
En 1961, Bourvil tourne le film "le Tracassin",
dont j'ignorais l'existence, et qui m'a été signalé par
Patrice: https://ok.ru/video/3492444834332
Vers
la fin (01:27:38), l'action, assez pénible à suivre (Bourvil
est censé avoir pris trop d'euphorisants et est odieux), se situe
dans un parking à étages.
En haut
du parking, une salle de sport.
Au cours de la descente des rampes, de nombreuses Citroën
des années
60, dont (à 01:28:15) une DS19 premier modèle
gravement emboutie à l'arrière.
En
bas de ce parking, à un moment (01:31:23) on identifie avec certitude
le garage banville, dont ce film méconnu nous donne donc un formidable
aperçu en 1961.

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